Aurore Bergé, députée de Rambouillet et porte-parole du groupe LREM : « Nous ne faisons de cadeaux à personne »

Publié le 24/10/2017 à 10h01

 

Aurore Bergé défend le cap du gouvernement et du président Macron. « Notre objectif, souligne-t-elle, n’est pas de faire en sorte qu’il y ait moins de riches, mais qu’il y ait moins de pauvres. »

Comment pensez-vous compenser les pertes de recettes des collectivités liées à la suppression de la taxe d’habitation ?

Les collectivités locales n’ont pas d’inquiétudes à avoir. Je sais que c’est un argument qui a beaucoup été utilisé dans les campagnes récentes pour inquiéter les élus locaux. Je sais aussi que ces inquiétudes peuvent être légitimes puisqu’on a eu, par le passé, des transferts de compétences sans qu’elles soient suivies de compensation dans la durée. Nous avons budgété notre projet sur l’ensemble du quinquennat.

La réforme de la taxe d’habitation va conduire à exonérer 80% des foyers redevables de cet impôt, à l’horizon 2020. Cet objectif sera atteint progressivement en trois ans pour atteindre un niveau d’allégement de 10 milliards d’euros en 2020. A terme, chaque ménage bénéficiaire fera une économie moyenne de 550 € par an (*).

Les exonérations seront compensées à l’euro près par l’État. Il n’y a pas de perte. C’est totalement financé, c’était au cœur de notre projet pour la présidentielle et les législatives. Un comité de réévaluation se réunira tous les six mois. Il sera chargé d’étudier les mouvements de population par exemple.

Si une commune a lancé un gros programme de logements et qu’elle connaît une augmentation de population conséquente, la compensation suivra en fonction. Cette compensation se fera sur la base des taux au moment de l’entrée en vigueur de la loi.

Nous marchons sur deux jambes. Certains voudraient savoir si nous marchons plutôt sur une jambe gauche ou sur une jambe droite.

La hausse de la CSG ne va-t-elle pas trop peser sur les foyers ?

Nous augmentons la CSG d’1,7 point pour financer la baisse des cotisations sociales. À partir du 1er janvier 2018, les Français salariés verront un gain sur leur feuille de paye grâce à la baisse des cotisations sociales. Il nous fallait évidemment trouver un levier de financement. La CSG a l’avantage d’avoir une assiette plus large. C’est donc une faible augmentation qui permet dans le même temps d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés. La classe moyenne, celle qui a 2.000 € de revenu par mois par personne, va bénéficier de l’exonération de la taxe d’habitation et bénéficie de la baisse des cotisations sociales. Elle est vraiment gagnante.

Et pour les retraités ?

De fait, ils ne bénéficient pas de la baisse des cotisations sociales, en effet ils vont payer de la CSG, mais il faut savoir plusieurs choses les concernant : 40 % paient un taux de CSG qui est réduit, ils ne sont donc pas concernés. Sur les 60 % restants qui, eux, vont bien payer 1,7 point de CSG en plus, nous estimons que les trois-quarts vont bénéficier de l’exonération de la taxe d’habitation.

Nous assumons par ailleurs que 20 % des retraités de notre pays sont des contributeurs. Ces 20 % ont un niveau de vie qui leur permet en général d’être propriétaires, etc. Ils financent ainsi en effet les baisses de cotisations sociales dont seront bénéficiaires leurs enfants, leurs petits-enfants… Donc il y a bien 20 % de contributeurs nets de la CSG, les 80 % restant, soit ne sont pas concernés du tout, soit seront gagnants à la fin grâce à la suppression de la taxe d’habitation.

Nous faisons des choix économiques qui sont de dire qu’il faut permettre d’accroître l’investissement dans le pays.

Quelle est, selon vous, la philosophie de cette Loi finances ?

Nous marchons sur deux jambes. Certains voudraient savoir si nous marchons plutôt sur une jambe gauche ou sur une jambe droite. Les Français, en élisant Emmanuel Macron ou en faisant en sorte qu’il ait une majorité, ont clairement exprimé qu’ils ne voulaient plus de ce mode de clivage. Je crois que nous avons deux bonnes jambes. Il s’agit de faire des réformes efficaces d’un point de vue économique. C’est donc assumer la suppression de l’ISF. Notre objectif n’est pas de faire en sorte qu’il y ait moins de riches, mais qu’il y ait moins de pauvres.

Nous avons intérêt à ce qu’il y ait plus de riches qui restent en France, qui reviennent en France et qui investissent en France. Or, l’ISF est un frein à l’investissement. Nous avons une taxe qui n’a pas d’égale dans les autres pays européens. Les plus riches ont donc intérêt à aller en Suisse, à Bruxelles ou à Londres… Je préfère que ces gens-là restent dans le pays, qu’ils payent l’impôt sur le revenu et qu’en retour ils investissent. C’est une mesure efficace économiquement.

Nous choisissons aussi de faire ce qui est juste au niveau social. Par exemple, le minimum vieillesse que nous allons augmenter, tout comme l’allocation adulte handicapé que nous allons valoriser de 25 %.

L’opposition a beaucoup parlé de la suppression de l’ISF en l’apparentant à un cadeau pour les riches mais nous ne faisons de cadeau à personne. Nous faisons des choix économiques qui sont de dire qu’il faut permettre d’accroître l’investissement dans le pays. L’investissement signifie que les PME, les TPE vont avoir plus de capital. Nous avons besoins d’augmenter le capital dans le pays, c’est la seule raison pour laquelle nous mettons en place ces mesures. De la même manière que l’on dit qu’aujourd’hui le travail ne paye pas assez, il faut inciter les gens à être en activité professionnelle… Nous baissons donc les cotisations sociales et augmentons la prime d’activité. Pour quelqu’un qui gagne le SMIC, nos réformes équivalent à un gain de 13e mois, ce qui n’est pas négligeable.

Nous n’allons pas aller casser l’assurance chômage, nous allons donner de nouveaux droits.

Vous parliez de la compétitivité des autres capitales européennes, de Londres notamment. Ne voit-on pas justement aux États-Unis et au Royaume-Uni l’échec des politiques ultralibérales ? Comprenez-vous l’inquiétude des citoyens de voir l’abandon du modèle français ?

L’idée n’est pas de casser ce qui fonctionne. Notre système de santé fonctionne bien en termes de protection par exemple. En revanche, il y a des trous dans la raquette, si je puis dire. Nous consommons par exemple beaucoup trop de médicaments dans ce pays. Ce qui est un vrai sujet. Nous ne faisons pas assez de prévention. Ce sont aussi des choses à changer culturellement. Il faut évidemment garder ce qui fonctionne et ce qui fait nos spécificités, notre modèle.

Nous n’allons pas aller casser l’assurance chômage, nous allons donner de nouveaux droits. Nous allons faire en sorte que les gens qui quittent leur emploi puissent toucher l’assurance chômage. Sous certaines conditions, bien sûr. Nous allons également supprimer le RSI. Il suffit de faire un tour dans les entreprises, chez n’importe quel commerçant pour demander ce qu’ils pensent du RSI. Vous verrez à quel point ils sont unanimes en termes de difficultés d’accès aux interlocuteurs et au coût que cela représente.

Nous levons les verrous, nous rouvrons le dialogue social, nous changeons des éléments du code du travail pour qu’il y ait plus de flexibilité.

Qu’avez-vous retenu de l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron ?

Ce qui m’a le plus intéressée est la question du travail et de l’emploi. De dire qu’en fait, il n’y a pas d’espèce d’abri antimondialisation, pas de cloche au-dessus de la France qui ferait qu’elle n’est pas impactée par ce qu’il se passe dans le reste du monde. Il y a deux solutions. Soit la solution des extrêmes qui consiste à se retrancher en village gaulois. Ce qui aura des conséquences inévitables, si nous nous protégeons, les autres se protégeront de nous aussi. Si on importe moins, on n’exportera moins.

L’autre solution, c’est de préparer les Français à ces changements-là. Des métiers vont disparaître, il faut l’assumer et surtout faire en sorte que les gens soient mieux formés pour les emplois qui eux vont être créés. Nous levons les verrous, nous rouvrons le dialogue social, nous changeons des éléments du code du travail pour qu’il y ait plus de flexibilité.

Dans le même temps, nous donnons plus de protection aux gens puisqu’on les forme mieux. Nous mettons 15 milliards d’euros en 5 ans sur la formation professionnelle. Jamais autant d’argent n’a été investi dans la formation professionnelle dans ce pays. 1 million de jeunes et 1 million de chômeurs de longue durée auront accès à une formation.

Nous allons dépenser 1 milliard, dès cette année, et cela ira crescendo puisqu’il y a une grande réforme de la formation professionnelle que nous lancerons en 2018.

Revenons sur le local. Vous vous décrivez vous-même comme progressiste et féministe, vous avez pourtant été élue dans une circonscription qui a la réputation d’être assez traditionaliste en matière de vision de la famille par exemple… Vous succédez à Jean-Frédéric Poisson, Président du Parti chrétien démocrate…

Je ne suis pas d’accord avec cette vision traditionaliste du territoire. Il est clair que Jean-Frédéric Poisson et moi-même avions des visions radicalement opposées sur tous les sujets. Réellement, tous les sujets !

Sur la question économique, sur la question européenne, sur les questions de droits des femmes ou des homosexuels, sur la question internationale… Il est quand même allé en Syrie voir Bachar El-Assad à plusieurs reprises. La question écologique est un sujet qui n’existe pas pour lui. Ce qui nous séparait ne peut pas se réduire à la question de la famille.

Les gens ont eu un choix très clair à faire. Les électeurs de la circonscription ont fait un choix très net, j’ai obtenu plus de 64 % des voix au second tour avec beaucoup moins d’abstention que dans le reste des Yvelines.

Il est clair que Jean-Frédéric Poisson et moi-même avions des visions radicalement opposées sur tous les sujets.

C’est le meilleur score des Yvelines en pourcentage et en nombre de voix, de très loin. Cela montre qu’il y avait une envie de renouvellement et que les gens n’adhéraient pas forcément aux thèses de Jean-Frédéric Poisson. Ce qui a été déclencheur, c’est qu’entre les deux tours de la présidentielle, il a refusé de choisir entre l’extrême droite et Emmanuel Macron.

Les électeurs de droite qui votaient pour Jean-Frédéric Poisson jusque-là, parce que c’était le candidat de la droite et qu’il n’y avait pas d’autre alternative, ne sont pas des électeurs d’extrême droite. Les gens de la circonscription ne sont pas anti-avortement, antieuropéen, au contraire.

Ils ont élu une femme, jeune, qui a manifesté pour le Mariage pour tous, quelqu’un de clairement engagé sur les questions de droit des femmes.

C’est aussi ce que vous reprochiez aux Républicains quand vous avez décidé de rallier Emmanuel Macron ?

Il y a clairement eu une radicalisation. Je ne suis pas la seule à le dire, Alain Juppé l’a exprimé aussi pendant la campagne au moment où certains pensaient que François Fillon allait se retirer. Pour ma part, j’étais convaincue qu’il ne le ferait pas, de toute façon j’avais déjà rejoint Emmanuel Macron.

Je pense qu’il se fichait de l’avenir du parti et même de ce pays. Sa planche de salut était de gagner la présidentielle pour ne pas être un justiciable comme un autre.

Je n’ai jamais envisagé le retour d’Alain Juppé parce que je n’ai jamais envisagé le départ de Fillon. De toute façon, j’avais rejoint Emmanuel Macron à ce moment-là. Nous n’étions pas nombreux à droite.

 On vous a reproché d’être opportuniste en ralliant Emmanuel Macron…

Si cela avait été de l’opportunisme, on aurait été beaucoup plus nombreux à la faire. On ne va pas se mentir, en politique il y a beaucoup de gens qui sont opportunistes… D’ailleurs, être opportuniste, ça veut dire saisir des opportunités, il ne faut pas non plus leur jeter l’anathème.

En tout cas, je pense que si beaucoup de gens ne sont pas venus (se rallier à Macron, NDLR), c’est qu’ils n’ont pas cru qu’Emmanuel Macron pouvait gagner la présidentielle. Ils croyaient encore moins que l’on pouvait gagner les législatives. Ils ont préféré rester dans leur parti en pensant que l’investiture LR représentait une meilleure garantie pour gagner les législatives.

Vous vous décrivez comme féministe. La révélation de l’affaire Harvey Weinstien fait-elle prendre conscience aux femmes qu’il reste encore beaucoup de chemin en termes d’égalité ?

Je me considère comme féministe, oui. Le féminisme, c’est d’être vigilant tout le temps. Sur la question des droits des femmes, il y a toujours des risques de régression. Nous avons la chance d’être d’une génération qui n’a pas eu à se battre pour avoir le droit de décider ce que l’on faisait de notre corps.

Nous avons grandi en sachant que nous pouvions prendre la pilule, que nous pouvions, en cas de nécessité, avoir recours à l’IVG sans être jugées, que c’était même pris en charge, que l’on pouvait choisir les études que l’on voulait… Sur ces sujets fondamentaux, nous n’avons pas eu à nous battre.

Quelle est votre position sur la PMA ?

J’ai été très marquée par les débats que nous avons eus pendant le Mariage pour tous et la Manif pour tous. Cela a laissé des fractures évidentes dans la société française. Même au sein des familles cela a créé des fractures. J’ai vu des gens souffrir de ce qu’il se passait. Des gens qui étaient sincères, qui n’ont juste pas compris qu’il y avait quelque chose qui changeait dans la société.

Ces gens n’ont pas compris que les droits devaient être accordés à tous. Ils se sont sentis méprisés. Il y a aussi des gens, des familles homoparentales, des homosexuels qui se sont sentis profondément blessés par l’existence même du débat.

Il ne faut pas hystériser le débat.

Je pense que sur ces sujets, il faut être précautionneux, il ne faut pas hystériser le débat. À titre personnel, je suis pour l’ouverture de la PMA à l’ensemble des femmes avec évidemment des conditions, un encadrement. C’est tout de même un acte médical. Moi, en tant que législateur, j’ai besoin de l’avis des spécialistes pour savoir quel est le cadre que l’on doit poser. Par contre, il faut que ces débats existent. En 2018, nous aurons les états généraux de la bio éthique, il n’y aura d’ailleurs pas que la question de la PMA. La question de la fin de vie sera également posée. Il faut qu’il y ait des débats apaisés qui ne blessent personne.

La fin de vie sera un sujet clivant…

Sur ce sujet, très sincèrement, aujourd’hui, je ne sais pas vous dire qu’elle est ma position. J’ai la chance de ne jamais avoir été confrontée à cela dans mon univers familial. Je ne sais même pas s’il est du ressort du législateur de trancher. Est-ce vraiment aux députés de décider de ce genre de chose ? Je sais que cela va nous revenir. Je vais écouter les débats. Je n’ai pas d’intime conviction sur le sujet.

Je suis interpellée très régulièrement par des gens qui sont dans cette situation. Je leur dis que pour le moment, j’ai besoin d’écouter les spécialistes et les familles pour éclairer la décision. C’est un sujet trop complexe et trop sensible et j’assume de ne pas avoir de conviction ferme sur le sujet. Je pense que je ne suis pas la seule. Je me dis que nous ne sommes que 577 députés et que c’est nous qui allons décider sur un sujet aussi intime.

Ligne 18 : je vais me battre pour que cette ligne existe et on m’a bien garanti que le tracé n’est pas remis en question.

Sur la Ligne 18 (une ligne de métro reliant l’aéroport d’Orly à Saint-Quentin-en-Yvelines en passant par Versailles, NDLR), savez-vous où en sont les choses  ?

Nous avons eu des réunions de travail avec l’État sur le sujet. Le tracé de cette ligne est garanti, il n’est en aucun cas remis en question. Le projet verra le jour en 2030. Selon moi, ce qu’il serait utile de faire, c’est de regarder ce que l’on peut faire avant 2030. Entre-temps, certaines villes vont sûrement continuer à construire du logement. Les besoins en transport vont s’intensifier. Les routes vont être encore plus congestionnées, les transports publics ne suffiront plus. Il y a peut-être des solutions qui existent et que l’on peut mettre en place dès maintenant.

Je vais me battre pour que cette ligne existe et on m’a bien garanti que le tracé n’est pas remis en question. Cependant, nous pouvons obtenir d’autres moyens de transport avant 2030. Les JO peuvent être un accélérateur mais à un moment, ils vont repartir, les gens restent et sont déjà là. Il faut bien se battre pour que cette ligne arrive dans les délais mais, en attendant, il faut trouver des alternatives. En termes de création d’emplois, nous n’allons pas attendre 2030.

Propos recueillis par Eglantine Férey

 

(*) « Cette mesure, explique Aurore Bergé, concernera les foyers dont les ressources n’excèdent pas 27.000€ de revenu fiscal de référence (RFR) pour une part, majorées de 8.000€ pour les deux demi-parts suivantes, soit 43.000€ pour un couple, puis 6.000€ par demi-part supplémentaire. Pour les foyers dont les ressources se situent entre ces limites et celles de 28.000€ pour une part, majorées de 8.500€ pour les deux demi-parts suivantes, soit 45.000€ pour un couple, puis 6.000€ par demi-part supplémentaire, le droit à dégrèvement sera dégressif afin d’atténuer les effets de seuil. »

Taxe d’habitation :  les précisions d’Aurore Bergé La réforme de la taxe d’habitation « va conduire à exonérer 80 % des foyers redevables de cet impôt à l’horizon 2020 », souligne Aurore Bergé, députée (LREM) de Rambouillet. À la suite de son interview, elle précise : « Cet objectif sera atteint progressivement en trois ans pour atteindre un niveau d’allégement de 10 milliards d’euros en 2020. À terme, chaque ménage bénéficiaire fera une économie moyenne de 550 € par an. » La députée yvelinoise ajoute que cette mesure concernera « les foyers dont les ressources n’excèdent pas 27.000 € de revenu fiscal de référence (RFR) pour une part, majorées de 8.000 € pour les deux demi-parts suivantes, soit 43.000 € pour un couple, puis 6.000 € par demi-part supplémentaire ». Concernant les foyers « dont les ressources se situent entre ces limites et celles de 28.000 € pour une part, majorées de 8.500 € pour les deux demi-parts suivantes, soit 45.000 € pour un couple, puis 6.000 € par demi-part supplémentaire, le droit à dégrèvement sera dégressif afin d’atténuer les effets de seuil ».

 

 

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