Il est assez inhabituel que les dĂ©putĂ©s eux-mĂȘmes demandent le recours Ă des ordonnances. Câest pourtant ce que nous avons fait. Nous avons agi en responsabilitĂ©, parce quâau bout, câest lâavenir de la crĂ©ation, de la diversitĂ© et de la souverainetĂ© culturelles qui sont en jeu. Parce quâau bout, câest notre identitĂ© et la vitalitĂ© de nos territoires qui sont en jeu. Parce quâau bout, alors que le monde culturel, audiovisuel et cinĂ©matographique vit un bouleversement sans prĂ©cĂ©dent, nous devons ĂȘtre au rendez-vous.
Nous le sommes, avec prĂšs de 2 milliards dâeuros dĂ©diĂ©s Ă la culture dans le plan de relance, avec un budget en hausse de prĂšs de 5 % pour 2021.
Ce projet de loi est lâoccasion de transposer la directive relative aux « droits dâauteur » dont on sait que la rĂ©daction a Ă©tĂ© emportĂ©e de haute lutte dans les instances europĂ©ennes grĂące Ă la tĂ©nacitĂ© des autoritĂ©s françaises, face Ă ceux qui voulaient dĂ©tricoter le droit dâauteur tel que nous lâentendons. Sa transposition, assurĂ©e par lâarticle 24 bis du texte, comprend des avancĂ©es considĂ©rables. La plus notable est la fin du rĂ©gime dâirresponsabilitĂ© des plateformes, qui devront dĂ©sormais rĂ©pondre des contenus mis en ligne par leur intermĂ©diaire, et assurer du mieux quâelles peuvent le respect des droits dâauteurs et des droits voisins attachĂ©s Ă ces contenus.
Lâexamen en commission a permis dâapporter une prĂ©cision indispensable, en confiant expressĂ©ment Ă la Hadopi la mission de protĂ©ger les contenus partagĂ©s encore trop souvent sans lâautorisation des auteurs ou des artistes-interprĂštes. Toute lâexpertise de cette autoritĂ© sera ainsi mobilisĂ©e.
Plusieurs avancĂ©es me semblent toutefois encore possibles, et sont lâobjet des amendements qui vous sont proposĂ©s.
Nous devons nous assurer que les dispositions de la directive relatives Ă la rĂ©munĂ©ration des auteurs et des artistes-interprĂštes respectent parfaitement les Ă©quilibres tels que dĂ©battus, arbitrĂ©s et votĂ©s lors de lâexamen du projet de loi audiovisuel en mars dernier, afin que ceux-ci bĂ©nĂ©ficient dâune rĂ©munĂ©ration supplĂ©mentaire si leur rĂ©munĂ©ration initiale est exagĂ©rĂ©ment faible.
Je suis convaincue que les sites dont lâobjet principal est de porter atteinte aux droits dâauteur et droits voisins, autrement dit les « sites pirates », doivent ĂȘtre exclus du rĂ©gime de responsabilitĂ© amĂ©nagĂ©e instaurĂ© par la directive.
Dâautre part, la libertĂ© contractuelle des auteurs et artistes-interprĂštes doit ĂȘtre prĂ©servĂ©e dans leurs relations avec les plateformes, ce qui leur permettra de refuser la publication de leurs contenus sur leurs services. (Jâai Ă©galement souhaitĂ© que soit garantie la transposition de lâarticle 12 de la directive, afin de sĂ©curiser en droit français le mĂ©canisme de licence collective Ă©tendue et, avec ce mĂ©canisme, la rĂ©munĂ©ration des artistes plastiques, graphiques ou photographiques pour lâutilisation en ligne de leurs Ćuvres).
Par ailleurs, il est dans notre rĂŽle de lĂ©gislateur de rĂ©pondre aux craintes exprimĂ©es par les auteurs et les artistes-interprĂštes concernant une dĂ©cision rĂ©cente de la CJUE au sujet des droits dâauteurs dits « irrĂ©partissables », que les organismes de gestion collective avaient pour obligation de verser au titre de l’aide Ă la crĂ©ation.
Cette dĂ©cision est un vĂ©ritable sĂ©isme pour la crĂ©ation musicale française, et vient aggraver le contexte Ă©conomique dĂ©jĂ difficile que traversent les professionnels. Lâamendement que je porte vient valider le versement des sommes dĂ©jĂ attribuĂ©es par les organismes de gestion collective aux crĂ©ateurs afin que les bĂ©nĂ©ficiaires de ces aides ne soient pas contraints de les rembourser.
Lâarticle 24 ter permettra de transposer la directive SMA, dont lâapport essentiel est bien sĂ»r le passage, pour les plateformes de vidĂ©o en ligne, du principe dit du « pays dâorigine » au principe du « pays de destination ». Câest un changement majeur de paradigme : dĂ©sormais, les services ciblant la France devront contribuer Ă la production nationale, quand bien mĂȘme ils seraient situĂ©s dans un Ătat Ă©tranger.
Câest une avancĂ©e considĂ©rable, attendue depuis longtemps par lâensemble du secteur.
Au-delĂ , lâordonnance permettra de procĂ©der Ă des ajustements indispensables : mutualisation de la contribution au cinĂ©ma au niveau du groupe et non plus au niveau des services ; association des auteurs aux accords entre Ă©diteurs et professionnels du secteur ; renforcement des pouvoirs dâenquĂȘte du CSA, et conventionnement des services Ă la demande avec celui-ci.
Le texte modifié en commission réaffirme ainsi les objectifs de diversité et de souveraineté culturelles, qui nous sont chers.
Il prĂ©serve Ă©galement les deux couloirs distincts pour lâaudiovisuel et le cinĂ©ma dans la contribution Ă la production, qui est, je le rappelle, vitale pour chacun de ces secteurs. La question des « droits monde » est tout aussi essentielle, Ă savoir que seuls les droits au titre de lâexploitation de lâĆuvre en France seront pris en compte pour le calcul de la contribution, et non les droits pour le monde entier.
Les amendements adoptĂ©s par la commission assurent par ailleurs que seront reprises les dispositions de la directive relatives Ă lâaccessibilitĂ© des programmes en situation de handicap et Ă la visibilitĂ© des services dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, de mĂȘme quâils prĂ©cisent le champ des pouvoirs du rĂ©gulateur vis-Ă -vis des plateformes, et les conditions dâassociation des auteurs aux accords professionnels du secteur.
La loi nâest pas lĂ pour menotter ou entraver qui que ce soit mais pour faire en sorte que le systĂšme soit Ă©quitable et juste pour chacun des acteurs, pour rĂ©Ă©quilibrer entre les acteurs et lutter contre les asymĂ©tries rĂ©glementaires qui sont autant de boulets aux pieds pour nos acteurs historiques.
Cette loi, nous le savons, ne sera pas suffisante. Le projet de loi audiovisuel contenait des avancées essentielles pour le secteur.
Je pense ici aux dispositions en matiĂšre de lutte contre le piratage pour les Ćuvres et les droits sportifs, et Ă la modernisation de la rĂ©gulation par la fusion du Conseil supĂ©rieur de lâaudiovisuel et de la Hadopi. Cette fusion est trĂšs attendue, aussi bien par les autoritĂ©s intĂ©ressĂ©es que par les acteurs du secteur, et permettra de constituer un outil puissant au service du respect de la loi et des droits. Je crois quâil est dans lâintĂ©rĂȘt de tous de ne pas tarder dans sa mise en Ćuvre, et jâespĂšre quâelle aura lieu dans les mois Ă venir.
Ce texte est un premier pas, essentiel, et je suis fiĂšre dâappartenir Ă la majoritĂ© qui permet ces avancĂ©es.
Nous voulons aller plus loin et nous le ferons.