Ce 11 novembre 2021, je me suis rendue aux Essarts-le-Roi, Ă Maurepas, Ă Jouars-Pontchartrain et Ă Saint-LĂ©ger-en-Yvelines pour participer aux cĂ©rĂ©monies de commĂ©moration de lâarmistice de 1918 et honorer tous ceux qui sont morts pour la France.
« « Tu n’en reviendras pas toi qui courais les filles
Jeune homme dont j’ai vu battre le cĆur Ă nu
Quand j’ai dĂ©chirĂ© ta chemise et toi non plus
Tu n’en reviendras pas vieux joueur de manille
DĂ©jĂ la pierre pense oĂč votre nom s’inscrit
DĂ©jĂ vous n’ĂȘtes plus qu’un mot d’or sur nos places
DĂ©jĂ le souvenir de vos amours s’efface
DĂ©jĂ vous n’ĂȘtes plus que pour avoir pĂ©ri »
Dans son Roman InachevĂ©, Aragon revient sur son expĂ©rience de la guerre de 14 et sur le sort de ces soldats, par millions tombĂ©s au combat ou revenus estropiĂ©s, mutilĂ©s… Il craignait que leur mĂ©moire ne se perde, quâils ne soient plus quâun mot dâor sur nos places et que le temps nâefface leur souvenir.
Mais le temps nâefface par leur souvenir. Il ne doit pas lâeffacer mĂȘme quand plus aucun tĂ©moin direct ne subsiste.
Nous nous souvenons de chacun des 10 millions de ceux qui ont donnĂ© leur vie sur le front. Nous honorerons chacun des 6 millions de blessĂ©s et mutilĂ©s qui ont vĂ©cu le reste de leur vie avec les stigmates de cette guerre terrible. Nous continuerons Ă tenter de nous figurer la peine des 3 millions de veuves et des 6 millions dâorphelins qui jamais nâont oubliĂ© leur mari et leur pĂšre un jour parti en uniforme et dont nâest revenu quâune lettre du lieutenant annonçant le dĂ©cĂšs au combat. Et je pense singuliĂšrement Ă la mĂ©moire de ces femmes que certains aujourdâhui rabaissent comme si elles nâavaient fait quâattendre alors quâĂ lâarriĂšre elles ont jouĂ© un rĂŽle fondamental. Enfin, nous nous souviendrons des millions de victimes civiles qui endeuillent notre nation toute entiĂšre.
Ces poilus nâavaient pas choisi la voie des armes. Henri Barbusse, dans Le Feu nous rappelle cette vĂ©ritĂ© : « Ce ne sont pas des soldats : ce sont des hommes. Ce ne sont pas des aventuriers, des guerriers, faits pour la boucherie humaine. Ce sont des laboureurs et des ouvriers quâon reconnaĂźt dans leurs uniformes. Ce sont des civils dĂ©racinĂ©s. »
Les millions de poilus qui partirent au front savaient que câĂ©tait le prix de la LibertĂ©. Ils partaient de toute la France pour dĂ©fendre ce quâils avaient en commun, lâamour de leur pays et la foi dans la nation française.
Pensons au combat quâont menĂ© tous ces hommes venus dâailleurs, dâAmĂ©rique, dâOcĂ©anie, dâAfrique, pour dĂ©fendre une terre qui nâĂ©tait pas la leur et mourir dans des villages dont ils ne connaissaient pas mĂȘme le nom.
Pensons enfin Ă tous ceux qui, mĂȘme sâils nâĂ©taient pas au front, ont participĂ© de toutes leurs forces Ă lâeffort de guerre. Rendons hommage aux « silencieux soldats de lâusine », aux « vieux paysans courbĂ©s sur leurs terres », aux « femmes de lâarriĂšre » et les « enfants qui leur apportent leur aide dâune faiblesse grave »
Mais cet effort collectif, ce dĂ©passement dâune nation toute entiĂšre pour sa survie nâaura pas Ă©tĂ© vain.
Un jour lâarmistice vint. A 11 heures, le 11 novembre 1918, rĂ©sonnaient les clairons sur la ligne de front et les cloches de nos Ă©glises dans toute la France achevant quatre douloureuses annĂ©es de combats meurtriers. Notre pays aura donc tenu.
LâidĂ©al rĂ©publicain dâun peuple libre, Ă©gal et fraternel aura Ă©tĂ© dĂ©fendu, et chaque français mort au combat pour dĂ©fendre cet idĂ©al aura participĂ© Ă son avĂšnement. La France sera toujours prĂ©sente pour dĂ©fendre lâidĂ©al qui prĂ©side Ă chacune de ses actions.
Mais il faut continuer à marcher vers la paix, et ne pas fausser le passé
La France est un tout, notre histoire est un bloc. Câest ce commun que nous devons transmettre.
Aujourdâhui, certains falsifient lâhistoire au profit de luttes politiques haineuses. Notre devoir de mĂ©moire, envers ceux qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s, ceux Ă qui nous transmettrons notre patrimoine est aussi de combattre ces faussaires de lâhistoire.
Notre mĂ©moire commune est le liant de notre RĂ©publique, câest cette puissance symbolique collective qui nous rassemble et nous unit autour de rĂ©fĂ©rences communes malgrĂ© des parcours de vie diffĂ©rents. Sâattaquer Ă ce socle, câest vouloir consciemment dĂ©truire lâunitĂ© nationale. On ne peut pas remettre en cause des vĂ©ritĂ©s historiques communes sans crĂ©er un prĂ©cĂ©dent terrible pour la vie de notre nation.
Cette mĂ©moire nous commande aussi de nous refuser Ă tout chauvinisme, Ă tout nationalisme froid. Si lâamour patriotique est une nĂ©cessitĂ© et une Ă©vidence pour notre pays, il ne doit pas nous pousser au repli et Ă la haine de lâautre. Continuer Ă cultiver la fraternitĂ© entre les peuples en mĂȘme temps que lâamour de la patrie, câest respecter le combat qui a Ă©tĂ© celui de millions dâhommes pour que rĂšgne la paix entre les nations.
Soyons dignes de leur souvenir, de lâespoir quâils avaient dâavancer vers un monde de paix et de fraternitĂ©.
Vive la République et vive la France ! »