L’Express m’a suivi lors de mon déplacement à Nantes dans le cadre de ma mission confiée par le Premier Ministre. Retrouvez, ci-après, l’article de l’Express. ↓

La députée des Yvelines multiplie les déplacements sur le terrain. Elle remettra son rapport au Premier ministre en janvier 2020.

La culture est un sujet brûlant. Au sens propre, quand un chapiteau de cirque de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) part en fumée, ou figuré, quand la destruction de livres de François Hollande par des étudiants lillois suscite l’indignation. « Cela doit nous interpeller, confie la députée Aurore Bergé dans le train qui la mène à Nantes. Des objets ou des lieux de culture peuvent être attaqués ou brûlés. Qu’est-ce que l’on a manqué pour que cela arrive ? » Depuis le mois d’août, l’élue des Yvelines est chargée d’une mission sur l’émancipation par la culture. D’ici à la mi-décembre, elle aura passé une trentaine de jours à rencontrer des acteurs de terrain, avant de rendre son rapport à Édouard Philippe en janvier.

Modèle nantais

Le 14 novembre, la voilà dans une ville modèle. Nantes la sinistrée de la fin des années 80, frappée par la fermeture des chantiers navals et des biscuiteries, déborde aujourd’hui d’initiatives culturelles. La recette de cette métamorphose ? « La complicité entre le politique et l’acteur culturel », explique Jean Blaise à la députée. Créateur du Voyage à Nantes, un dispositif culturel alliant expositions permanentes d’art contemporain dans la métropole nantaise et festival de deux mois tous les étés, Jean Blaise a collaboré aussi bien avec Jean-Marc Ayrault et Johanna Rolland à Nantes qu’avec Édouard Philippe au Havre ou Bertrand Delanoë à Paris. « Quelle que soit leur étiquette politique, tous avaient la même idée de la pénétration de la culture dans la société, et que l’image de la ville dépend de sa capacité à créer », explique-t-il. A Nantes, le soutien de la mairie a permis à Jean Blaise d’habituer la population à la présence d’oeuvres dans l’espace public. « Alors qu’il peut y avoir de l’agressivité vis-à-vis de l’art contemporain », rappelle-t-il à Aurore Bergé.

Toutes les villes n’ont pas les moyens ou la volonté politique de Nantes, Le Havre ou Paris. La députée reste marquée par la remarque d’une élue d’une ville des Ardennes : « On ne remet jamais en cause les budgets des clubs de foot, mais ceux de la culture, toujours. » Aurore Bergé réfléchit à « l’équité » des citoyens face à la culture, malgré les disparités d’une ville à l’autre. Son rapport s’inscrira dans une « logique de parcours », pour assurer l’accès la culture à tous les âges de la vie.

Quelles préconisations ?

Nul besoin de créer de grandes infrastructures culturelles, selon elle. Encore faut-il rendre accessibles celles qui existent déjà. La députée ne s’interdit pas de préconiser des créations de postes, ainsi qu’une valorisation en termes de rémunération et de formation de ceux qu’elle appelle les « passeurs de culture », ces professionnels qui font l’interface avec les différents publics. La députée constate que certains de ces professionnels n’ont pas toujours le temps ou les moyens d’aller au musée ou assister à des spectacles. « Encore faut-il que ceux qui sont chargés de transmettre la culture y aient accès », observe-t-elle. Aurore Bergé s’interroge donc sur l’instauration d’un dispositif de gratuité ou de tarification préférentielle pour certaines professions.

Les puéricultrices pourraient-elles en profiter ? La députée est sensibilisée à l’éveil culturel des nourrissons par la psychologue Sophie Marinopoulos. « Quand on parle d’éducation culturelle, on oublie les bébés. On n’éduque pas un bébé. On l’éveille », martèle cette dernière dans la cuisine de son association nantaise, Les pâtes au beurre. Là encore, des propositions pourraient être formulées pour mieux former les professionnels en contact avec des jeunes enfants.

Aurore Bergé rencontrera Jack Lang dans quelques jours. Ces dernières semaines, elle a vu les anciens ministres de la Culture Christine Albanel, Renaud Donnedieu de Vabres et Françoise Nyssen. « Systématiquement, ils ont eu l’impression de se battre pour défendre leur budget », observe-t-elle. La députée cherche à élaborer des critères pour sortir de cette logique de coûts et montrer ce que la culture apporte à la société. Comme Transfert, ce projet artistique mêlant bars, jeux et installations culturelles sur le site des anciens abattoirs de Rezé (Loire-Atlantique). Récemment, des jeunes souffrant de déficience mentale sont venus y exposer des oeuvres. L’opération a permis à l’un d’entre eux de reprendre confiance en lui, au point de sortir de l’hôpital où il était soigné. Avec, à la clé, une économie en dépenses de santé pour la collectivité. « Il faudrait une cartographie de tous ces projets qui permettent de faire société », conclut Aurore Bergé.